Les kiosquiers, mémoires vivantes du quartier
Pièces incontournables de la vie parisienne, les kiosques à journaux sont les témoins discrets des changements de la ville depuis 160 ans. C’est donc au croisement des rues que les kiosquiers puisent les vers de leur quartier.
8H, les premiers bruits sur le Boulevard Haussmann sonnent l’éveil de Paris. Les rayons du soleil se frayent un chemin entre les feuilles des arbres pour venir tapisser les bâtisses modernes et celles d’un autre temps. Les hommes se pressent et s’affairent. Dans la résonnance de leurs pas, on perçoit le tintement d’une tasse de café, une femme consulter sa montre, ou encore un passant saisir à la volée un journal gratuit. C’est dans ce tumulte parisien que se trouve un kiosque à journaux sur l’épingle formée par la rue Lafayette et le boulevard Haussmann.
Refaire le monde et boire un café
Conçus par l’architecte Gabriel Davioud – artisan majeur de la transformation urbaine dirigée par Haussmann – les kiosques à journaux font partis du paysage parisien depuis la seconde partie du XIXe siècle. C’est d’ailleurs sur les Grands Boulevards, tout près d’ici, que le premier kiosque a ouvert en 1857. Aujourd’hui, on en recense un peu plus de quatre cent parmi les vingt arrondissements de la capitale. Celui de l’angle Haussmann/Lafayette a été repris par Nicolas Pouliquen en 1994. Depuis cinq ans, il partage son emploi du temps avec son fils, Alexandre, âgé de vingt-cinq ans. Chaque matin, l’un des deux Pouliquen venu de Morsang-sur-Orge, dans l’Essonne, récupère les livraisons sur les coups de 6h. Avec l’aide de l’un de leurs trois salariés, il prépare les paquets à l’attention des entreprises du coin, les livre, boit un café et ouvre le kiosque à 7h. Ensuite ? « Et bien on attend le client, sourit Alex Pouliquen, sur le pont ce matin-là. Le matin, on fait pas mal de renseignements, de gens qui nous demandent une adresse, le nom de telle ou telle rue. Sinon, le client type c’est plutôt un touriste, et les touristes viennent surtout l’après-midi. Les gens qui achètent la presse sont souvent des habitués, qui viennent voir mon père depuis 25 ans et passent aussi pour discuter, refaire le monde, boire un café ».
Les souvenirs pour répondre à la crise de la presse
Bonnet Levi’s vissé sur la tête pour se protéger des alizés de mi-saison, Alexandre parle de l’âge d’or de la presse écrite comme si on lui avait souvent raconté : « il y a quinze ans, ce kiosque c’était le deuxième de Paris au niveau de la presse, parce que mon père livrait toutes les entreprises du coin. C’était 300 Figaro par jour, 400 Les Échos... Il remplissait une camionnette, tous les jours ! » Mais la plupart de ces entreprises sont passées à la lecture sur tablette, et les Pouliquen peuvent désormais assurer leurs quelques livraisons à pied. Sans mettre la clef sous la porte, loin de là. « Quand il s’est installé ici il y a 25 ans, mon père a compris que c’était un quartier touristique et qu’il aurait intérêt à vendre des souvenirs », rapporte un fiston entouré de mugs, de porte-clefs, de magnets ou de vêtements à l’effigie de la capitale. Lui et Raphael - un ami d’enfance qui travaille au kiosque depuis cinq ans - avouent avoir beaucoup progressé en anglais, en espagnol, en italien. Ils maitrisent même quelques expressions en chinois. « C’est plus agréable de travailler avec des gens en vacances, en plus » glisse Alexandre.
« Malheureusement, parce que c’est un métier sympa », Nicolas Pouliquen ne pourra pas céder l’exploitation de son kiosque à son fils : les attributions sont gérées par la mairie de Paris et plusieurs kiosquiers attendent déjà avec impatience que l’emplacement Haussmann/Lafayette, au cœur d’un des quartiers les plus vivants de la capitale, se libère. Alors peut-être qu’Alexandre fera de la restauration de véhicules anciens mais pour l’instant, il profite de son nouveau kiosque, renouvelé en novembre. Et continue de faire vivre le quartier, son quartier. Un journal, un magazine, ou un porte-clefs à la fois.
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Patrimoine 01/06/2019 Des Grenouilles aux Grands Magasins : la création du quartier Haussmann
Encore relativement champêtre dans la première moitié du XIXe siècle, le quartier Haussmann est né sous l’impulsion de l’homme, Georges Eugène Haussmann, qui lui a donné son nom.
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